À la rencontre de… Kentin Plinguet
Adjoint au Maire de Poitiers en charge de la jeunesse et de la vie étudiante
À quel âge et pourquoi vous êtes-vous engagé ? Qu’est-ce qui vous a décidé ?
Mes parents m’ont eu à 23 ans et n’étaient pas des personnes riches. Mon père est ouvrier, il enchaînait les missions d’intérim, comme ma mère, après quelques années au foyer. J’ai connu la galère, les épiceries sociales. Une image très forte qui m’a fait me dire « il faut que ça s’arrête », c’est lorsqu’en rentrant de l’école, un huissier était en train de faire l’inventaire du domicile familial avec ma mère en larme et mon père qui essayait de tenir bon. Je pense que c’est ce qui m’a le plus marqué enfant. C’est ce qui m’a fait m’engager en politique, très jeune, dès le collège. À l’époque c’est le livre Indignez-vous ! qui me fait prendre conscience de l’importance du militantisme.

Au lycée je lis le Manifeste du Parti Communiste et je prends contact avec les Jeunes Communistes, mais ils n’existaient pas encore dans le département où j’étais à cette époque. Alors j’ai attendu l’entrée à l’université et mon arrivée à Poitiers en août 2015, j’avais alors 17 ans, j’ai adhéré au MJCF puis en 2016 au PCF. C’est aussi à cette période que j’ai connu les mois à 60€ pour se nourrir, les relances EDF pour impayés et les coupures EDF, parce que mes parents avaient des difficultés financières et ne pouvaient pas plus m’aider.
Pourquoi souhaitez-vous continuer votre engagement en politique ?
Je continue mon engagement pour que les jeunes n’aient pas à vivre ce que mes parents et moi-même avons vécus. J’ai l’opportunité aujourd’hui de contribuer à améliorer leur quotidien. On a des moyens limités à la Ville de Poitiers et beaucoup de réponses se trouvent à des échelles nationales. Alors je continue de militer, d’interpeler les députés du territoire – qui ne me répondent pas souvent – sur les enjeux que les jeunes rencontrent. Et puis j’ai toujours l’espoir malgré les revers électoraux que mon camp essuie depuis des années. L’espoir qu’enfin nos vies soient prises en compte. Aujourd’hui ce n’est pas le cas, alors je continue de me battre.
Quelles sont les valeurs, les enjeux, les batailles qui vous tiennent à cœur et que vous défendez à travers votre engagement ?
Elles sont nombreuses les batailles qui me tiennent à cœur mais elles ont toutes un point commun : la lutte contre la pauvreté et pour la dignité. Ça va donc du salaire, d’un revenu étudiant, au logement digne et aux droits aux transports. Ce qui m’a toujours animé c’est cette précarité, cette pauvreté qui frappe la classe populaire, ma classe. Je veux que les jeunes parents puissent élever leurs enfants sans se priver de nourriture. Je veux que les jeunes puissent continuer leurs études sans crainte de se retrouver à découvert à la fin du mois ou sans emploi après cinq ans d’études. Mais je sais aussi ce que c’est que de sortir du système universitaire sans aucun autre diplôme que le Baccalauréat et donc de galérer à faire des petit jobs précaires et alimentaires, d’intégrer des parcours d’accompagnement sans vraiment y croire, ou parce que le gouvernement veut nous sortir des chiffres du chômage. Aujourd’hui je me bats aussi pour ces jeunes, pour qu’ils puissent avoir un toit digne de ce nom et un emploi bien payé et utile.
Vous êtes membre du Parti Communiste Français, pourquoi ce choix ?
Parce que, petit, j’ai vu quels militants nous aidaient dans les épiceries sociales, et ils n’étaient ni au FN, ni à l’UMP ni ailleurs qu’à gauche. Mes parents sont de gauche, votent aux présidentielles, mais ne sont pas encartés et n’étaient pas spécialement très portés politique. Ils m’ont toujours encouragé à m’engager où je le voulais (sauf à l’extrême droite). Quand j’ai lu le Manifeste, j’ai adhéré très vite au prisme marxiste de lecture de la société : la société est divisée entre ceux qui possèdent les moyens de productions et ceux qui possèdent leur force de travail. Je crois profondément qu’il faut changer de modèle de société, qu’il faut dépasser le capitalisme et construire une société débarrassée des classes. Tant que cela n’est pas le cas, je pense qu’il faut agir pour améliorer la vie des gens. Et ça, j’ai l’impression que le PCF est seul à le faire. Les mairies communistes sont des exemples mondiaux (le meilleur maire du monde est un communiste français), nos députés réussissent à faire reculer des lois dangereuses pour les précaires tout en augmentant les retraites agricoles. Alors le PCF, pour moi c’est logique. Je ne pouvais pas adhérer ailleurs.
Vous êtes élu à la mairie de Poitiers à l’âge de 24 ans. Être jeune en politique, est-ce plutôt un frein ou un tremplin ?
Avant d’être élu c’était très difficile pour moi d’être pris au sérieux et je me suis fâché avec de nombreux responsables politiques et élus avec qui je travaille aujourd’hui, qui pensaient pouvoir utiliser mes combats comme une caution jeunesse ! Mais j’ai eu de la chance, au PCF la jeunesse n’est pas sous contrôle des anciens et on les laisse s’exprimer.
Maintenant que je suis élu c’est mieux. Je ne vais pas mentir, tout n’est pas gagné, et je reste le « petit jeune un peu rêveur » aux yeux de certains. Il a bien fallu une année pour que je comprenne que j’étais aussi légitime que mes interlocuteurs institutionnels souvent plus âgés. Donc maintenant je refuse que l’on me reproche mon âge. Oui j’ai 24 ans, mais j’ai mon mot à dire et je ne veux pas servir de caution jeune !
Donc ce n’est pas un tremplin d’être jeune, mais ce n’est pas un frein non plus, même s’il faut, encore trop souvent, s’accrocher.
De votre point de vue d’élu, comment voyez-vous la relation entre les jeunes et la politique ? Y-a-t-il beaucoup de jeunes engagés au sein du Parti Communiste Français ?
Beaucoup d’élus ou de responsables politiques considèrent les jeunes comme une masse unie. Or les jeunes ont tous un parcours différent. Cette diversité de parcours doit être prise en compte. D’autres encore ne voient les jeunes que comme une caution. C’est-à-dire qu’ils organisent une pseudo consultation, mais tout est décidé en amont. C’est intolérable. En agissant ainsi les politiques font tout pour détourner les jeunes de la chose publique et des décisions qui les concernent. Alors qu’ils sont l’avenir de la nation, les experts de leur quotidien, les politiques organisent le désintérêt.
Heureusement cette tendance commence à disparaître dans les échelons locaux. Les jeunes commencent à être pris en compte dans les décisions. Mais encore une fois cela dépend des échelons et des générations politiques. L’écoute des jeunes et de leurs revendications est plus difficile à un niveau régional voir gouvernemental.
Chez les communistes il y a de nombreux jeunes. Dans mon département, le Mouvement des Jeunes Communistes est la première organisation politique de jeunesse en termes d’adhérents et d’activité. Les jeunes communistes ont une activité, une organisation distincte du Parti Communiste. Ils s’organisent comme ils le veulent, portent les batailles qu’ils veulent, élisent les responsables qu’ils veulent, le parti n’a pas son mot à dire et ne siège dans aucune instance du mouvement. Bien évidemment les deux organisations communistes sont des partenaires du quotidien, ils travaillent ensemble et occupent bien souvent les mêmes locaux. Je pense fondamentalement que faire confiance aux jeunes pour s’auto-organiser aide à l’implication de la jeunesse en politique. Et la longévité du MJCF en témoigne. C’est aussi ce qui aide à former de nouveaux cadres et dirigeants politiques. J’en suis un pur produit et j’ai souvent tendance à le dire, mais je suis un élu des jeunes communistes. Ils sont une de mes boussoles et je travaille étroitement avec eux. Ce travail aide aussi à rendre compte de mon mandat et de son activité. Et des fois ils m’alertent sur des problématiques que je n’avais pas décelées.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager ?
D’y aller et de prendre la place qui leur revient. Les moins de 25 ans représentent près de 30% de la population française, c’est encore loin d’être le cas dans les sphères politiques. Ils se prendront sans doute des remarques sur leur âge et leur manque de maturité fantasmé.
Et puis les modes d’engagement sont tout aussi variés que les parcours de chacun. Rien que dans le champ politique, certains vont être des militants de terrain, vont aller tracter tous les jours, coller des affiches, d’autres vont préférer simplement assister aux réunions, d’autres encore vont vouloir aider à la communication, d’autres vont produire du contenu de réflexion, d’autres vont vouloir participer à l’animation, etc… Et puis il y a l’engagement associatif qui est aussi très diverse et parfois plus diffus. Adhérer à un club de sport, aller chercher des jeunes éloignés du sport et leur permettre d’en faire, c’est aussi un engagement du quotidien au même titre que l’engagement politique. En bref, engagez-vous là où vous vous sentez le mieux. Vous n’êtes pas intéressé par la politique en tant que telle, mais vous voulez adhérer à une association d’éducation populaire ? C’est de l’engagement, et c’est nécessaire !
Et que répondriez-vous aux jeunes qui considèrent que « ça ne sert à rien de s’engager » ?
Comme je disais avant, l’engagement en France est présent dans beaucoup de domaine. S’engager permet de changer les choses et d’être entendu. Je ne dis pas que ce sera un diner de gala tous les jours et vous allez vous prendre des coups durs. Des refus de vos propositions, certains qui ne vous écouterons pas, mais il ne faut pas lâcher, vous savez pourquoi vous êtes engagé dans cette association pour le climat, dans ce club de basket, dans cette organisation politique. Vous avez votre mot à dire dans tous les domaines, même quand ça vous paraît éloigné !
La jeunesse nous donne l’alerte à nous, décideurs politiques, sur tout un tas de sujets, et c’est lorsqu’elle est atone, qu’elle ne s’exprime plus, que je m’inquiète.
Propos recueillis par Manon Colombo.
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