À la rencontre de… Jean-Jacques de Peretti (Spécial Covid-19)

Maire de Sarlat-la-Canéda, Ancien Ministre sous Jacques Chirac

Bonjour Monsieur le Maire. Pour commencer, parlons d’actualité, et de la pandémie de Covid-19. Combien de cas la ville de Sarlat a-t-elle recensé ?

Nous n’avons eu aucun cas sur Sarlat, ni sur la communauté de commune.

 

Au niveau des masques, combien et quels types avez vous commandé et/ou fait fabriquer ?

Nous avions une réserve de 24 000 masques chirurgicaux, qui ont été réquisitionnés par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Nous avons réussi a en avoir 1 000 que l’ARS a envoyé et 5 000 obtenus par l’union des maires. Concernant les masques alternatifs, nous avons eu plus de 200 couturières ayant répondu à l’appel, qui ont fabriqué plus de 10 000 masques.

 

Concernant les écoles, comment s’est passée la reprise ?

Cela s’est très bien passé. Nous nous sommes concertés et avons tout mis en place pour que cela se passe au mieux. Nous avons, malgré tout, moins d’enfant en maternelle que ce que l’on pensait (autour de 35 à 40% des effectifs).

 

Y’a-t-il des enseignants qui ont refusé de revenir assuré les cours ?

Non, il doit y en avoir un ou deux à ma connaissance qui ont des pathologies et donc qui sont à risque. Ils ont malgré tout continué leur activité à distance et restent joignables. 

Au niveau du transport scolaire, quelles mesures avez-vous prises pour éviter les risques de contamination ?

Nous n’avons pas eu de problème compte tenu de la faible fréquentation. Beaucoup de parents ont décidé d’emmener directement leurs enfants à l’école. Ensuite notre transporteur et nous-mêmes avons mis en place un protocole pour assurer la sécurité des élèves (prise de température, lavage de main). D’ailleurs je suis très heureux de voir que les enfants sont extrêmement disciplinés. Quand on les regarde, ils ont conscience de la gravité de la situation.

 

Au niveau de la cantine scolaire, comment les écoles vont-elles assurer les repas pour les enfants tout en respectant les consignes sanitaires ?

Sur la cantine scolaire, j’ai préféré qu’on la maintienne dans les réfectoires. Les personnels sont équipés, les élèves sont deux ou trois par table maximum.

 

La ville de Sarlat vis à 45% du tourisme et de ses retombés. Quelles solutions/aides allez-vous mettre en place pour remédier à ce manque économique ?

Nous sommes un territoire avec une certaine attractivité. 66% des Français prennent leurs vacances en France. Cette année il y a plus que jamais une envie de campagne et de retrouvailles. On le voit avec les réservations qui commencent déjà. Il y ressort une volonté de se retrouver en famille ou entre amis dans une maison à la campagne pour une longue durée contrairement à d’habitude. Ce qui va être difficile, ce sont les étrangers qui représentent entre 30% et 40% du tourisme sarladais.

 

Les restaurants et les cafés sont en grandes difficultés aujourd’hui, avez-vous mis en place des aides pour eux ?

J’ai constitué avec la communauté de commune une cellule d’intervention économique avec 3 niveaux d’intervention : l’État (chômage partiel, URSAF) ; la Région (fond spécial de 1500€) ; la communauté de commune (avec laquelle nous avons mis en place un fond de proximité pour aider ceux qui n’auraient pas été pris en compte par tous ces dispositifs). Avec ces dispositifs, nous pouvons aider les petites structures comme les restaurants et cafés. 

Si on devait faire un constat aujourd’hui, quel serait le montant des pertes économiques ?

Environ 30% de l’activité économique qui s’est arrêtée. Pour de petites structures qui ont été a bout de trésorerie, parce que s’était la fin de saison, ce sera plus difficile. Le fait de pouvoir décaler de 12 mois leurs emprunts va les aider. Il y en a qui été déjà dans des situations difficiles et qui ne sont pas pris en compte par les aides. Il va y avoir du dégât. Il y a des gens qui disent qu’il ne reprendront pas. Il y a aussi le problème de l’emploi. Ici notamment, l’emploi saisonnier va être fortement impacté. 

Au niveau des marchés, ils ont rouvert dans votre commune début mai. Comment s’est passée la reprise ? Quelles mesures ont été prises pour prévenir tout risque de contamination ? Y a-t-il l’obligation de porter le masque pour les commerçants ? Y a-t-il des personnes en charge de surveiller le respect des règles sanitaires ?

Le port du masque est obligatoire pour les commerçants. En revanche, ça ne l’est pas pour les clients, même si je le conseille très vivement. Il n’y a personne pour réglementer. Je pense que dès que vous dites à quelqu’un “il faut que vous portiez un masque”, il vous envoie balader. Il vaut mieux que ce soit une prise de conscience collective qui est beaucoup plus forte que toutes verbalisations. Pour compenser les pertes, les commerçants et les producteurs ont développés les livraisons et nous avons mis en place un plateforme. 

 

Combien coûte à l’économie sarladaise, tout ce qui est masques, gels hydroalcoolique ?

Aujourd’hui on doit être entre 30 000 et 40 000 euros, 50 000 euros avec les services. Mais il faut savoir que le gouvernement va intervenir pour nous rembourser 50% des masques et des dépenses faites pour appliquer les mesures barrières.

  

On a vu le numérique prendre une place cruciale avec cette crise, vous avez d’ailleurs parlé d’une plateforme sur internet. N y a-t-il pas un problème de « fracture numérique » dans votre ville, voir même dans le département entier ?

La fracture numérique existe, mais elle se réduit assez vite. Il y deux aspects : le débit et la pratique. Sur le débit, ici ça s’améliore avec l’arrivée de la fibre. Sur la pratique, il est vrai que certaines tranches d’âges sont moins à l’aise. C’est pourquoi nous avons mis en place des ateliers pour les seniors. Mais cette fracture n’est plus aussi évidente qu’il y a deux ou trois ans.

 

Dans ce contexte de crise qui touche en premier plan les maires et les élus locaux, êtes-vous pour une plus forte décentralisation du pouvoir politique ? 

Je suis pour un recentrage de l’État sur ses missions régaliennes (la sécurité, la défense, les affaires étrangères), mais je deviens vraiment régionaliste. Les décisions doivent être prises à proximité. Il faut que l’État fasse confiance et qu’il ne soit pas aussi “tatillon”. Les maires ont des responsabilités et savent qu’ils ne doivent pas faire n’importe quoi. Il faut adapter les mesures nationales aux territoires. Par exemple, vous ne faites pas une formation en Aquitaine comme vous faites une formation dans les Hauts de France. 

 

Le télétravail, c’est l’avenir ? 

On ne peut pas mettre tout le monde en télétravail. Mais ça permet de changer le “boulot, métro, dodo” en “dodo, boulot” on enlève le transport. C’est également bénéfique pour l’écologie, vous avez vu la nature qui est revenue en ville suite au confinement. J’espère que c’est une réflexion qui va marquer les civilisations.  

 

Êtes-vous plutôt partisan des élections municipales le 28 juin, ou après les vacances d’été ?

Je n’était pas pour le premier tour, mais là je suis pour que ça se passe le plus vite possible. Quand vous êtes maire mais que vous n’êtes pas élu et qu’il vous faut un deuxième tour, ce qui est mon cas, vous pouvez être soupçonné de faire des actions pour être réélu. Ce qui est faux car j’aurais fait exactement la même chose, élu ou non. On ne peut pas rester dans une situation comme ça. 

 

Entretien réalisé par Enzo Gauthier, étudiant en journalisme, le 19 mai 2020 

 

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