À la rencontre de… François de Rugy

Député de la 1ère circonscription de Loire-Atlantique
Ancien ministre de la Transition écologique et solidaire
Ancien Président de l’Assemblée Nationale

A quel âge et pourquoi vous êtes-vous engagé en politique ? Qu’est-ce qui vous a décidé ?

Je me demande souvent de quand est-ce que je pourrais dater mon engagement. Je pourrais dire que je me suis engagé concrètement en adhérant à un mouvement politique l’année où j’ai passé le baccalauréat, je n’avais pas tout à fait 18 ans. J’avais déjà eu un engagement associatif quand j’étais au lycée. Je pourrais également dire qu’une date importante dans mon engagement a été ma première candidature à une élection en l’occurrence les élections législatives de 1997. J’ai ensuite été embauché comme collaborateur parlementaire après ces élections. J’ai été élu pour la première fois en 2001 aux municipales à Nantes. 

Il y a eu différentes étapes dans mon parcours politique. Est-ce qu’un engagement se joue à une date en particulier ? Je ne pense pas. C’est plutôt l’enchainement, le fait que l’on franchisse à chaque fois un cap supplémentaire : adhérer, prendre des responsabilités au sein d’un parti, être candidat à une élection, être élu, travailler et éventuellement en vivre…

Pourquoi vous êtes-vous engagé au sein d’un parti écologiste ?

J’ai toujours considéré que l’écologie était importante. Cette prise de conscience a été faite à la fois par mes parents qui avaient cette même sensibilité mais qui n’étaient pas engagés, et à la fois par des évènements marquants notamment les marées noires en Bretagne, sur des sites où j’allais en vacances quand j’étais petit. A l’époque on ne parlait pas beaucoup du climat, alors qu’aujourd’hui je considère que c’est le combat central et prioritaire en matière d’écologie. On parlait cependant déjà beaucoup de la pollution de l’air et de la pollution de l’eau. Je suis de Nantes et en Bretagne ou en Vendée, on a toujours eu l’enjeu de la protection du littoral, la pollution des rivières, le phénomène des algues vertes et la question des marées noires, phénomènes qui ont marqué mon enfance et qui m’ont poussé à m’engager dans cette voie de la défense de l’environnement et de la protection de la nature. 

J’ai toujours eu cette conviction écologiste chevillée au corps. Je me suis engagé dans une association quand j’étais au lycée parce que je voulais agir à l’échelle de ma ville pour améliorer le quotidien. Mon engagement en 1991 dans un mouvement écologiste n’était pas pour faire carrière en politique ! Sinon je me serais engagé dans un parti de gouvernement, qui aurait offert beaucoup plus de perspectives d’élections. D’ailleurs la première élection où j’ai été candidat, en 1997, j’ai fait 3,8%. 

Quelle serait votre réponse aux jeunes qui considèrent que ça ne sert à rien de s’engager ? 

C’est la sempiternelle question, qui est loin d’être nouvelle. Quand j’étais au lycée cette problématique était dejà là. Je pense qu’il n’y a pas d’âge pour s’engager, ni dans un sens ni dans l’autre d’ailleurs. J’ai souvent dit que « l’âge n’est pas un argument ». Ce n’est pas parce qu’on a 20 ans qu’on ne peut pas s’engager ou exercer certaines responsabilités. 

A l’Assemblée Nationale, pendant longtemps, il fallait avoir au minimum 23 ans pour être élu Député, alors que l’on était électeur dès l’âge de 18 ans. Cela a été supprimé, et l’âge pour être candidat a été aligné sur l’âge pour être électeur. La première qui en a profité est Marion Maréchal Le Pen, qui a été en 2012 à 22 ans, la plus jeune députée de l’histoire de la Vème République. En 2017, dans la vague « En Marche », d’autres ont été elus encore plus jeunes comme Marie Lebec, élue députée à 21 ans.

Il y a eu un glissement, qui a fait émerger des jeunes. En 2012 l’Assemblée a fortement rajeunie. Quand j’ai été élu en 2007 j’avais 33 ans, on était 13 députés à avoir moins de 40 ans. Il y a eu un rajeunissement avec l’alternance de 2012. Le PS et les Verts ont fait élire des nouveaux députés, en parallèle d’une volonté de faire une place plus importante aux femmes. En 2017 ça a été encore plus marqué puisqu’avec le mouvement d’Emmanuel Macron il y a eu un renouvellement extrêmement fort. On est sorti du schéma dominant où les députés sont âgés et les collaborateurs jeunes. 

Je pense qu’il n’y a pas d’âge pour s’engager. Emmanuel Macron a été élu à 39 ans. Il a rompu le schéma classique de la Vème République de celui qui gravit tous les échelons sur plusieurs décennies. Je pense aussi qu’un gros changement par rapport aux décennies passées est le fait que les carrières politiques seront moins longues et que les jeunes feront soit autre chose avant la politique, soit autre chose après. C’est quelque chose que nous avons peu envisagé jusqu’à présent. Nous envisagions l’engagement comme quelque chose sans recours. Le non-cumul des mandats a beaucoup influencé ça. Avant, quand on perdait un mandat, on en avait un autre. Maintenant ce n’est plus le cas. Le non-cumul des mandats va permettre un renouvellement permanent, cela met de l’oxygène dans le système.

Trouvez-vous que le gouvernement s’adresse assez aux jeunes ?

Je pense que c’est une question sans fin. De tout temps on a dit que le gouvernement est coupé de la jeunesse. J’ai relu un discours que Pompidou fait à l’Assemblée au début du mouvement de mai 68, où il dit qu’il faut entendre ce que dit la jeunesse, ses aspirations. La question de savoir si le gouvernement était coupé de la jeunesse se posait déjà à l’époque. Au fond, qu’est-ce que ça signifie « faire de la politique pour les jeunes » ? 

Qui vote le plus en France ? Qui est le plus nombreux démographiquement ? Les gens de plus de 60 ans. Les électeurs âgés votent également plus que les jeunes, les études électorales le montrent. J’avais fait faire une étude en 2008, après les élections municipales, dans la commune d’Orvault, où j’étais candidat : Il se trouve que les plus de 60 ans avaient voté à 80% et les moins de 40 avaient voté à 40%. Si on veut que tout le monde vote, je ne vois pas d’autre solution que le vote obligatoire. J’avais fait une proposition de loi à ce sujet lors de mon précédent mandat. Ce qui m’a beaucoup frappé c’est que j’ai eu de nombreux retours négatifs de la part de ceux qui votent le moins. Ceux qui approuvaient étaient majoritairement des personnes âgées, ceux qui votent le plus. Or si le vote était rendu obligatoire, ce sont eux qui verront leur poids électoral baisser et celui des jeunes augmenter. 

Très peu de jeunes déclarent s’intéresser à la politique, notamment à cause d’un manque de confiance pouvant être relié aux différentes affaires ayant marquées l’actualité politique récente, dont l’affaire « Médiapart ». Pensez-vous que l’actualité impacte l’attrait des jeunes pour la politique ? 

La première source d’information des jeunes, ce n’est pas les médias : c’est les petites vidéos qui circulent sur Internet, dont la plupart ne sont pas sourcées. Un bon exemple est celui des gilets jaunes : Il y a eu énormément de vidéos qui ont été diffusées directement sur le net notamment via Facebook.

Le problème c’est que celui reçoit cette vidéo ne sait en général pas d’où elle vient ni si elle été coupée et montée. Que se passe-t-il avant ou après la petite vidéo diffusée ? Si on voit une image de manifestant blessé lors d’une intervention policière mais qu’on ne montre pas ce qui s’est passé avant et apèrs, comment se faire une idée juste ? Cela peut amener à un feu d’artifice de fake news. Il faut être capable de faire le tri, de réguler tout ça. Le problème c’est que les médias traditionnels, tous présents sur le net et sur les réseaux sociaux sont aujourd’hui engagés dans la voie « du maximum de clics ». 

Par exemple, des gens ont lancé une polémique selon laquelle il y avait une pollution radioactive dans l’eau potable en Ile de France : cette rumeur a été reprise par des médias et des politiques ! Ils expliquaient aux gens qu’il ne fallait plus boire l’eau du robinet, cela concernait quand même 6 à 7 millions de personnes ! 

Autre exemple : Libération, l’été dernier en plein mois d’août. Ils font un article « François de Rugy redevient Député » à la mi-août. Deux heures plus tard, le même article est re-titré « Malgré les affaires, François de Rugy redevient Député » sort. L’article premier a eu 0 reprise, le second a été beaucoup repris sur les réseaux sociaux ! Il y a, je pense, une responsabilité démocratique de la part des médias : ils sont vitaux pour la démocratie, or le fait que l’information soit dorénavant massivement sur internet a changé la donne. D’abord parce qu’il y a cette viralité, et ensuite parce que tout reste en ligne même les informations ensuite démenties de façon claire et nette ! Si vous cherchez François de Rugy sur internet vous aurez peut-être ma fiche Wikipédia, mais ce qui remontera en premier ce seront les articles de Médiapart. Plus personne ne peut nier que l’utilisation massive des smartphones change les comportements en général et la façon de faire de la politique en particulier – on a désormais dans sa poche un ordinateur, un journal, une télé et une radio. Mais au-delà de la politique, c’est la vie en société qui est en jeu car du harcèlement au lycée aux accusations proférées sur les réseaux sociaux en toute impunité, c’est le respect des droits essentiels de la personne humaine qui n’est plus garanti.

Propos recueillis par Léna Van Nieuwenhuyse.