À la rencontre de… Alain Rousset

Président de la Région Nouvelle-Aquitaine

Vous avez été conseiller général de la Gironde de 1988 à 1998, maire de Pessac de 1989 à 2001, 1er vice-président du conseil général de Gironde de 1994 à 1998, Président de la communauté urbaine de Bordeaux de 2004 à 2007, Président de l’Association des régions de France de 2004 à 2016, Député français de 2007 à 2017 et Président du conseil régional d’Aquitaine de 1998 à 2015. Vous êtes actuellement Président de la Région Nouvelle-Aquitaine.

C’est un parcours politique très chargé, mais pourquoi avez-vous décidé de donner une telle importance à l’engagement dans votre vie ?

Par goût de l’action. Animé par une véritable passion pour les politiques publiques et le sens de l’intérêt général, je suis aussi tombé amoureux de mon territoire – qui m’a rendu au centuple ce que j’ai pu lui apporter en tant que maire, élu départemental ou président de région. Mais attention : n’allez pas croire que c’était un plan de carrière prédéfini, une ambition vorace pour le pouvoir quel qu’il soit. Chemin faisant, engagement après engagement, élection après élection, je me suis découvert une vocation, et quelques talents pour l’entretenir, et je suis devenu ce que je suis. La politique s’est imposée à moi plus que je ne me suis imposé à elle, me semble-t-il.

 

Malgré votre réélection le 27 juin 2021, votre engagement de longue durée en politique n’est-il pas un frein dans votre gestion de la Région ?

Je ne le crois pas, et les électeurs non plus d’ailleurs, puisqu’ils m’ont fait confiance à une large majorité ! Mon expérience est l’un de mes carburants, dans le sens qu’elle affine ma vision, qu’elle me permet de mieux décider. Peu d’élus ont la chance de planter des graines, de voir pousser les plantes et les arbres, et d’en cueillir les fruits. Ainsi, cette « longue durée » que vous évoquez me permet d’envisager les politiques que nous menons sereinement, sur le long terme, sans céder à l’illusion des modes passagères ou des coups de communication. C’est une force, mais qui a vocation à laisser émerger d’autres talents, d’autres élus, car je compte bien passer la main. Comme disait le général de Gaulle : « je vais bien, mais, rassurez-vous, un jour, je ne manquerai pas de mourir ! »

 

Quelles sont les valeurs que vous défendez dans l’exercice de votre mandat ?

Dans la crise que nous traversons, des gilets jaunes à la pandémie, en passant par l’affaissement démocratique et la montée des populismes de tout poil, il y a des valeurs intangibles : le respect des principes républicains, dont l’égalité, la liberté et la fraternité, mais aussi la laïcité, forment évidemment un socle indéboulonnable. Mais j’entretiens aussi un rapport fondamental à la vérité, battue en brèche par les temps qui courent, ainsi qu’à la solidarité, dont le Covid-19 a révélé toute l’urgence. Bref, sans céder à un inventaire à la Prévert, j’aime à penser que je suis le représentant d’une certaine gauche, tendance sociale-démocrate, décentralisatrice, républicaine, mais aussi écologiste et féministe. Les combats qui donnent du sens à la politique ne manquent pas, et ces valeurs sont nos armes les plus efficaces.

 

Quelle place accordez-vous à la question de la jeunesse dans la politique que vous menez ? Que mettez-vous en place pour elle ?

Elle est centrale. Et ce ne sont pas de vains mots : une part immense de notre budget est allouée aux lycées, aux étudiantes et étudiants. De manière générale, j’ai toujours vu la Région comme l’institution de l’avenir, qui voit loin et doit viser juste. C’est pourquoi nous misons sur la jeunesse, en leur donnant les moyens de choisir leur voie, de vivre et étudier à travers nos territoires, de vivre leur identité, aussi ; mais aussi, en aiguisant leur esprit critique, en leur inculquant la culture du beau geste, un accès à la culture sous toutes ses formes, la diversité des métiers, un certain rapport aux territoires. Concrètement, cela passe par l’orientation dès que possible, par une offre de mobilité adaptée aux besoins des élèves et étudiants, par des lycées rénovés et fonctionnels, par la gratuité des manuels scolaires sous certaines conditions, par des festivals qui leur permettent de s’exprimer et de se nourrir, par des aides pour les plus précaires sur le logement ou l’accès au permis de conduire. Notre approche est globale, inclusive – au sens premier du terme –, et adaptée aux cas spécifiques, comme lors de la pandémie.

 

D’après vous, comment pourrions-nous lutter efficacement contre l’abstention lors des prochaines élections ?

Soyons lucides : notre société évolue de telle sorte que les citoyennes et citoyens qui devraient la composer, avec leurs droits et devoirs, sont pas à pas remplacés par des consommatrices et des consommateurs, indifférents au sort de leur démocratie (et de leur planète) et ne se sentant pas liés. Ce constat, je le déplore autant que je le combats. Car la tendance n’est ni dominante, ni irréversible : à nous de l’inverser. Comment ? En étant intransigeants sur les valeurs évoquées ci-dessus. En responsabilisant chacune et chacun, en retrouvant le sens dans ses choix de vie : vie professionnelle, consommation ou encore loisirs. Cela passe par l’accélération de la transition énergétique, agricole et écologique – Néo Terra, la feuille de route de la Région Nouvelle-Aquitaine destinée à accélérer la transition écologique et énergétique. Cela passe par un aménagement du territoire qui n’oublie pas personne. Cela passe par une écoute renforcée auprès de notre jeunesse, sur qui repose la responsabilité de convertir nos espoirs et nos audaces. Cela passe une meilleure prise en compte de la place des femmes dans les entreprises, la société et la politique – une vraie parité. En bon rocardien, je suis convaincu que c’est en parlant à l’intelligence de nos citoyennes et citoyens qu’on les ramènera dans le giron républicain, et donc aux urnes. Seules les lumières ont le pouvoir de chasser l’obscurité. C’est le chemin que j’ai emprunté.

 

De votre point de vue d’élu, comment voyez-vous la relation entre les jeunes et la politique ?

Contrairement à ce que j’entends ici et là, je trouve la jeunesse actuelle très politique, très engagée, faisant preuve de grande maturité. On l’a vu lors des marches pour le climat, mais pas que. Elle a des choses à dire, et je l’écoute – d’abord en intégrant des jeunes dans mon équipe. Sur le développement durable, la jeunesse m’a permis d’évoluer et de mesurer l’urgence et les attentes. Je n’ai pas honte de le revendiquer. D’un point de vue personnel, c’est une relation que je cultive et dont l’apport m’est décisif. C’est peut-être l’une des clefs de ma « longévité » que vous évoquiez plus haut … !

 

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent s’engager ? Que répondriez-vous aux jeunes qui considèrent que « ça ne sert à rien de s’engager » ?

Engagez-vous. Soyez le changement que vous voulez être. Aucune réforme d’ampleur, aucune révolution, aucun changement de système ne s’est engagé de lui-même. Partout, de tout temps, ce sont des femmes et des hommes – des jeunes souvent, d’ailleurs – qui se sont levés et qui ont su infléchir le cours de l’Histoire. Mais, il ne faut pas se bercer de rêves inatteignables pour autant : retrouver le sens que nous évoquions précédemment, c’est aussi savoir trouver sa place, son engagement. S’engager dans une association, militer pour une cause qui nous est chère, cela a autant de poids que de s’engager en politique. Ce sont les deux faces d’une même pièce. Dans cet esprit, je citerai Robert Kennedy, s’adressant à l’Afrique du Sud de l’Apartheid, en 1967, pour illustrer mon propos : « Chaque fois qu’un homme se dresse pour défendre un idéal, ou améliorer le sort de ses semblables, ou redresser une injustice, il fait naître une minuscule vaguelette d’espoir et, venues d’innombrables foyers d’énergie et d’audace, ces vaguelettes forment un courant qui peut balayer les plus puissantes murailles de l’opposition et de l’oppression. »

Propos recueillis par Paul Mombelet.

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