À la rencontre de… Flore Blondel-Goupil et Dorian Dreuil

Co-Fondateurs de l’ONG À Voté !

Qu’est-ce que « A Voté » ?

Dorian Dreuil : A Voté, c’est une Organisation Non Gouvernementale (ONG) de défense des droits civiques et du progrès démocratique. Nous sommes une ONG apartisane et indépendante et notre seule campagne d’ici aux échéances de 2022 est orientée pour la participation électorale des jeunes et plus particulièrement des “mal-inscrits” sur les listes électorales, c’est à dire celles et ceux qui ne sont pas inscrits dans le bureau de vote à côté du lieu de résidence. Un enjeu majeur qui concerne notamment la jeunesse puisqu’on considère qu’un jeune sur deux entre 25 et 29 ans est considéré comme mal inscrit.

Cette association est née le 28 juin 2021 au lendemain du deuxième tour des élections régionales et départementales avec l’objectif de mobiliser les citoyens autour des enjeux de participation électorale d’ici à 2022 mais aussi bien après puisque nous avons vocation à durer dans le temps.

Qui est derrière cette ONG ?

Flore Blondel-Goupil : Les dix cofondateurs et cofondatrices de l’ONG représentent un large éventail de citoyens engagés dans la société civile, issus des secteurs public, privé et à but non lucratif : fonctionnaires, avocats, enseignants, étudiants et professionnels de la communication. Nous avons des compétences et des expériences complémentaires et surtout un intérêt commun qui est celui de la participation démocratique.

 

Comment l’idée a-t-elle émergée ?

Dorian Dreuil : L’idée a émergé d’une indignation puis d’une volonté de passer à la mobilisation. Indignation d’abord devant l’érosion constante de la participation électorale ces 40 dernières années particulièrement forte chez les jeunes. Celles et ceux qui devront vivre avec les décisions politiques qui seront prises sont potentiellement celles et ceux qui sont le moins représentés, en termes de poids électoral, dans les élections. Mobilisation ensuite, nous avons eu envie de passer à l’action avec une approche innovante : encourager à participer à un scrutin sans faire campagne pour une candidature ou un mouvement. Dans la lutte contre l’abstention chacun a un rôle à jouer, les institutions et le personnel politique bien sûr, mais aussi la société civile, en tant qu’association, en se mobilisant sans autres intérêts politiques que promouvoir la démocratie !

Mais notre mobilisation citoyenne ne sort pas de nulle part, nous avons la chance de nous baser sur des solides recherches en sociologie électorale et sciences politiques. On se base notamment sur deux ouvrages fondateurs de notre action :  « La démocratie de l’abstention : aux origines de la démobilisation électorale en milieu populaire » (Gallimard, 2007) par Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier et “Porte à porte: Reconquérir la démocratie sur le terrain” (Calmann-Lévy, 2013) par Vincent Pons, Guillaume Liégey et Arthur Muller.

 Jean-Yves et Vincent ont d’ailleurs accepté de rejoindre notre Conseil scientifique et c’est primordial pour nous de porter en termes de dynamique citoyenne et de plaidoyer les travaux de celles et ceux qui réfléchissent à ces sujets depuis des années. 

Et puis il y a l’aventure humaine, la rencontre de gens qui veulent faire cause commune autour d’un projet civique. L’idée se transforme en une structure qui s’organise…

 

Comment voyez-vous la relation actuelle entre les jeunes et la politique ?

Flore Blondel-Goupil et Dorian Dreuil : C’est une relation de passion qui, malheureusement, tourne à l’indifférence. Un récent papier dans Le Monde expliquait à juste titre à quel point les jeunes, dans leur diversité sociologique, avaient conscience  de l’importance de la chose publique de la vie de la Cité, mais qu’ils jugeaient le système politique « obsolète » et déconnecté des problématiques actuelles et de leurs causes. C’est tout le paradoxe, les jeunes votent de moins en moins mais s’engagent de plus en plus. Ils s’engagent pour des causes concrètes et surtout ils se mobilisent pour avoir un impact. Peut être qu’ils n’ont plus le sentiment que la Politique a une capacité à avoir de l’impact sur ces causes et que  le politique n’arrive plus à “changer la vie”.

Le nœud du problème est en partie là : redonner confiance et foi dans le fait d’aller voter. Mais pas que, avoir le droit de vote ne suffit pas pour pouvoir voter si on ne peut pas se rendre sur le lieu de son bureau de vote et si on ne s’inscrit pas au bon moment. Et là que nous intervenons.

En sociologie électorale, sont mal-inscrits ceux qui ne résident pas dans la même commune que celle de la dernière inscription électorale. Un enjeu qui concerne souvent les étudiants qui quittent leur foyer familial pour étudier dans une autre ville ou des cadres qui déménagent dans l’année d’une élection. On estime à 7,6 millions de citoyens considérés comme mal-inscrits, si on ajoute et 5,2 millions de non-inscrits, ce chiffre cumulé s’élève à plus de 25 % du corps électoral. C’est un véritable bug démocratique pour celles et ceux qui vont vouloir voter mais nous ne pourrons pas le jour J.

 

Comment lever les différents freins au vote de la nouvelle génération ? 

Flore Blondel-Goupil et Dorian Dreuil : Il y a deux temporalités qui sont importantes pour nous. A court terme cela passe par rendre plus accessible le parcours de vote pas toujours clair. A quelle date s’inscrire sur les listes électorales ? Quelle est la procédure pour modifier son inscription ? L’objet est donc de fluidifier le parcours avec des informations centralisées et faciles à comprendre. Nous souhaitons pour cela travailler avec des partenaires associatifs ou les médias sociaux comme Facebook et Instagram par exemple.

A plus long terme, nous souhaitons participer au changement des règles pour lever le poids administratif et confiance :  que cela soit par la simplification des démarches, questionner le vote par correspondance, demander la reconnaissance du vote blanc etc. Dans ce cadre, pour nous, il est important d’être avant tout dans une posture non moralisatrice, qui sort du jugement de valeurs mais d’être à l’écoute des solutions, des propositions et de pouvoir les porter dans le débat public.

Ce dont nous sommes certains en tout les cas c’est que cet enjeu doit être porté collectivement et en coalition : que celles et ceux, citoyens ou associations, qui souhaitent s’engager à nos côtés nous écrivent !

Comment sensibiliser les jeunes à se rendre aux urnes ? 

Flore Blondel-Goupil : Pour sensibiliser les jeunes à se rendre aux urnes il y a deux éléments importants :

Pouvoir les trouver là où ils et elles se trouvent, via des prescripteurs locaux comme les universités, associations, lieux de vie ou en allant directement sur le pas de leur porte et engager la conversation. Ce qui est important aussi c’est de développer le lien entre ces personnes qui se rencontrent et que les conversations soient enrichissantes pour tout le monde. D’un côté cela permet d’apprendre sur préoccupations les jeunes et de l’autre de nourrir la réflexion sur le principe de démocratie.

La manière dont on aborde le sujet. Si aujourd’hui les jeunes ne mettent pas à jour leur inscription sur les listes électorales et ne ressentent pas l’envie d’aller voter, il y a des thématiques qui leur sont chères, comme le montrent les dernières études : pouvoir d’achat, environnement, délinquance, terrorisme etc. Leur avenir sera impacté par les choix de leurs élus sur ces thématiques et le seul moyen de ne pas les subir c’est de participer en exerçant leur vote.

Propos recueillis par Léna Van Nieuwenhuyse.

Curieux de découvrir d’autres portraits d’engagés ?

Rendez-vous sur la section #ÀLaRencontreDe !